La liberté est une des valeurs fondamentales auxquelles l'homme est profondément attaché. Ne figure-t-elle pas en tête de la déclaration des droits de l'homme ? Celle du 26 août 1789 comme celle du 10 décembre 1948. Que de luttes n'a-t-on pas menées en son nom ? Et elle figure en bonne place dans les nombreuses allégories réalisées par les artistes, qu'ils soient peintres, sculpteurs ou poètes. Et qui n'a pas en mémoire la Liberté guidant le peuple du célèbre Delacroix ?
A contrario, nous avons tous vécu une expérience douloureuse de privation de liberté. Je dirais même que nous en vivons quotidiennement ce qui nous rend particulièrement sensibles à la condition de ceux qui, sous différentes dictatures en ont été privés. Et que n'avons-nous pas applaudi lorsque s'effondra le mur de Berlin, symbole de l'asservissement! Et ils étaient nombreux les artistes tel Rostropovitch, à célébrer avec une joie presque enfantine cet événement qui était vraiment l'événement de cette fin de siècle. Enfin le monde était redevenu libre !
Mais depuis nous avons dû modérer notre enthousiasme. Certes le poids des idéologies fallacieuses a disparu et nous avons respiré une bonne bouffée d'oxygène. Cela nous a fait du bien, surtout à nous occidentaux, qui en fait, n'avions pas vécu cet enfer. Les autres, ceux de l'Est, ont, eux aussi, savouré cette "libération". Mais ils ont bien vite déchanté, confrontés à la dure réalité d'une jungle dont la sauvagerie les a surpris. Ils ont très vite compris qu'ils n'avaient que la liberté des gazelles livrées à la férocité des grands fauves qui ont nom: business, mafia, drogue, prostitution, pollution, individualisme...Mais tout de même, en dépit de l'immense danger qu'ils courent et qui les menace quotidiennement, ils sont libres et ils goûtent jusqu'à l'ivresse ce bonheur nouveau et si grisant ! Qu'elle est douce cette compagne si ardemment désirée ! Il ne s'agit plus d'un simple flirt consommé à l'occasion d'un voyage ou d'une tournée à l'étranger mais d'une véritable passion amoureuse qui suffit à remplir toute une vie.
L'événement serait donc capital s'il était vrai. Mais seulement voilà, il n'en est rien car la liberté ça n'existe pas. Attention, entendons nous bien, il ne s'agit pas du bonheur. Le bonheur lui, heureusement, existe, nous venons d'en montrer quelques effets et il en existe bien d'autres manifestations. Et cette certitude est sans doute suffisante pour que la vie vaille la peine d'être vécue!
Mais revenons au sujet qui nous préoccupe aujourd'hui à savoir la liberté ou plutôt sa non existence.
Vous croyez être libres alors que vous êtes prisonniers de tout un réseau d'influences et de pressions.
Vous vous croyez libres de vous exprimer, alors que très rarement les hommes n'osent livrer le fond de leur pensée. Par pudeur, par humilité, par respect, par délicatesse, par lâcheté. Vous me rétorquerez sans doute que précisément si je prends la décision de ne pas parler, par exemple par délicatesse, je commets un acte libre et que j'aurais très bien pu prendre une décision contraire. Oui mais voilà, il se trouve que j'ai pris celle-là et pas l'autre, non pas, parce que j'ai pris le temps d'analyser longuement la situation mais parce qu'une douce inclination m'a poussé à agir ainsi. Et il est probable que j'agirai toujours ainsi parce que mon tempérament m'y engage.
Et suis-je libre de mon tempérament ? Ne résulte-t-il pas des gènes que m'ont légués mes parents ou des influences reçues ça et là par mon environnement, qu’il soit familial ou social ?
Un autre individu aurait réagi très différemment face à la même situation parce qu'il est de tempérament plus fougueux, plus frondeur, parce que pour lui la vérité prime la longanimité ou la compassion.
Mais bien souvent, nous ne sommes pas conscients de cette réalité et c'est pour cela que nous commettons de graves erreurs en jugeant le comportement d'autrui car, que nous le voulions ou non, nous le jugeons avec notre propre système de valeurs et en fonction de nos critères qui ne sont jamais objectifs et qui émanent simplement de notre cerveau dont la composition et le tissu échappent à notre contrôle et même à notre connaissance.
Les spécialistes de la justice et de la médecine eux, ont désormais pris conscience de ces réalités et portent des jugements plus mesurés, mais quoi qu'ils fassent, ils n'arriveront sans doute jamais à dérouler totalement le fil d'Ariane qui les conduirait à la vérité. Et même s'ils y parvenaient, s'ils réussissaient à connaître parfaitement la structure mentale d'un prévenu, ils pourraient peut-être en prévoir les comportements mais alors ils prouveraient de façon patente et irréfutable que chacun ne peut échapper à son " karma", prouvant ainsi de manière éclatante que la LIBERTE n'existe pas.
L'évolution des comportements de groupes obéit aux mêmes lois. Actuellement, c'est devenu un lieu commun que de déplorer la déchristianisation de l'Europe occidentale et en tout cas une diminution considérable de la pratique religieuse. Les causes de ce changement ont déjà été longuement analysées et vous les connaissez sans doute. Elles sont toutes liées à l'évolution de notre société. Quelle est donc la part de l'individu dans ce bouleversement qui souvent nous déroute ? L'homme aurait-il soudainement décidé, en ce début de 21ème siècle, de se détourner de Dieu ? Avait-il le choix, la liberté de faire autrement ? N'a-t-il pas plutôt été porté, emporté par l'ouragan de renouveau qui balaie tout sur son passage ? S'il a été emporté par la tourmente, reconnaissons qu'il n'a pas accompli un acte libre.
Permettez-moi au passage de rappeler que comme celle qui, au 16ème siècle, a permis l'émergence de Luther ou autres Calvin, cette tourmente s'est nourrie de la sclérose, des abus et de l'intransigeance de la société cléricale de cette époque. Heureusement, il y a eu la Contre-réforme et ces hommes d'exception que furent Ignace de Loyola, François Xavier, Thérèse d'Avila, Jean de la Croix et bien d'autres encore qui ont apporté leur pierre pour reconstruire la maison de notre mère l'Eglise. Au cœur de l'homme, Dieu avait placé l'Espérance!
Mais si l'Eglise, une nouvelle fois, a survécu au naufrage, ce n'est pas parce que de nouveau et en même temps, une gigantesque quantité d'hommes auraient décidé librement de reconstruire l'Eglise. Non, c'est parce que l'opération séduction organisée avec une dextérité époustouflante par les Jésuites et le Concile de Trente et qui connut son point d'orgue avec le déferlement du baroque, a réussi a réactiver, à réveiller les aspirations profondes de l'homme naturellement tourné vers le merveilleux et l'éblouissant. Et il en fut de même en cette 2ème moitié de 20ème siècle. Avec cette grande différence que les séducteurs ne s'appelaient plus Ignace de Loyola mais Mao ou Che Guevara..
Aujourd'hui les maîtres de cérémonie sont des personnages virtuels mais qui sont très présents voire envahissants. Il suffit de tourner le bouton du téléviseurs et ils sont là à votre portée, chez vous, dans votre intimité: plus même besoin de se déplacer, n'est-ce pas merveilleux ! Tout de même à force d'être vautrés, les hommes en arrivent à perdre toute énergie - un muscle qui ne travaille pas s'atrophie -, à s'ennuyer puis à désespérer et à rechercher des succédanés comme la drogue ou le sexe. Pas étonnant alors de voir surgir des Dutrou ! Mais certains plus naïfs ou plus désespérés ou au contraire moins atteints ou plus exigeants n'ont pas trouvé leur compte dans ces dérivatifs. Qu'ils ne désespèrent pas ! On a " pensé" à eux. Les sectes sont là qui leur ouvrent grandes leurs portes et leur proposent des horizons plus éthérés où domine le merveilleux, et par conséquent aux antipodes des contingences désespérantes de notre société matérialiste où s'accroît la marginalisation.
Pour être complet et sérieux, il faut aussi admettre que le vent de renouveau qui a soufflé sur l'Eglise du 16ème siècle, lui permettant d'échapper au naufrage, était en grande partie distribué par l'Esprit Saint. Mais là encore, où est la liberté de l'homme puisque l'Eglise ne doit son salut qu'à l'action du Saint Esprit ou à la conjonction de forces de survie (à une lutte viscérale pour survivre) en réaction contre les éléments destructeurs.
De cette analyse nous pouvons et nous devons en déduire que dans notre monde rien n'est jamais désespéré et que les forces de vie finissent toujours par l’emporter. Soyons donc confiants, pas à cause de notre action mais parce que Dieu veille au grain. Espérance donc en Dieu et acceptation de notre condition de créature qui doit nous conduire à nous laisser porter par Dieu. De toute façon, et peut-être finalement, heureusement, nous ne pourrons pas échapper à notre destin qui est d'être sauvés, fût-ce malgré nous.
Le Christ, par sa croix, a sauvé tous les hommes et nous lui devons une fière chandelle car notre destin est étroitement lié à sa personne et à son sacrifice. Sans lui, nous étions condamnés. Mais dès la création, n'étions-nous pas con-damnés c'est-à-dire damnés avec lui, intimement liés à lui, à son sort et à sa condition ! Il est mort et comme lui, nous mourrons ; il est ressuscité et comme lui, nous ressusciterons. Notre sort a toujours été lié au sien.
Et lui-même, n'a pu échapper à son propre destin. Envoyé par Dieu, il a épousé notre condition d'homme. Il avait une mission à accomplir et il l’a merveilleusement réalisée mais à aucun moment il n'a pu y échapper. Toujours et en particulier lorsqu'il a réuni une dernière fois ses disciples à Gethsémani, il savait que tout était consommé et qu'il n'échapperait pas à son DESTIN fixé par le PERE. La REDEMPTION était inscrite dans la création et avec elle la souffrance mais aussi la certitude de l'ETERNITE. Des choses apparemment plus futiles comme la trahison de Juda et le reniement de Pierre étaient également programmés.
Et pour en terminer avec cette affaire capitale, même si notre destin n'avait pas été inscrit dès l'origine dans la création, il avait de toute façon été fixé une fois pour toutes dès la faute originelle, dès notre éviction du paradis terrestre. Adam avait fauté et à cause de lui, notre sort avait été fixé pour toute la durée de notre voyage sur cette terre. Le Christ nous avait rachetés et notre sort avait été fixé une fois pour toutes pour l'éternité.
En conclusion, non seulement nous ne pouvons pas échapper à notre condition d'homme, mais tous les événements qui jalonnent notre vie échappent à notre libre arbitre et sont la résultante de toutes les forces bonnes et mauvaises qui traversent notre champ que nous avons souvent la prétention de dénommer champ d'action. Il nous reste donc à vivre avec 2 certitudes: nous vivrons éternellement mais durant nos pérégrinations sur cette terre, notre itinéraire a été programmé. Il nous faut donc soit l'oublier comme cela nous arrive souvent, soit l'accepter et nous mettre dans la situation de l'enfant qui s'en remet totalement à sa mère. Et le Christ ne nous a-t-il pas invités à rester des enfants ! Pas pour obtenir la vie éternelle car c'est une chose acquise mais pour être heureux en ce monde.
Alors soyons lucides: sachons que nous ne sommes que des marionnettes ce qui n'est pas si consternant car au moins, comme elles, nous pouvons donner du plaisir. Mais soyons aussi heureux et pour cela, restons des enfants.
Cependant ces 2 dernières recommandations sont inutiles puisque aucune décision ne nous appartient, mais elles témoignent de notre formidable capacité d'oublier et de croire que nous avons un rôle à jouer. Et nous avons effectivement un rôle à jouer. Mais si nous sommes les acteurs plus ou moins appréciés de cette grande comédie humaine, nous n'en sommes pas les metteurs en scènes et encore moins les auteurs !
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Il nous reste toutefois l'humour qui, in fine demeure le seul moteur de notre vie. Alors profitons-en et usons et abusons de ce talent qu'hélas trop souvent nous avons enfoui, et continuons de croire que nous sommes libres puisque ça nous fait du bien !
Jep
•A vous de poser les questions et de démolir cette interprétation. J’en serais franchement ravi mais votre tâche s’avère difficile !
Petite gourmandise à consommer fraîche
On ne peut pas échapper à sa nature, à sa condition. Dans une rose certains éléments sont épines, d'autres sont pétales. Les premiers piquent, les autres ravissent les yeux et prodiguent un parfum suave. Et l'inverse ne se produit jamais. Mais ensemble ils forment une fleur magnifique et chacun ne peut vivre sans l'autre. Ils sont condamnés à vivre en communion. Alors ne l'oublions pas et soyons bon petit prince !
Une vie de fou
Une chaussure sur la tête
Il s'en va le fou
Des autres, il s'en fout, le fou
Car lui, il est fou, fou de joie
Et s'ils se moquent de lui, du fou
Eh bien qu'ils aillent se faire foutre!
Valéry ( Gray le 20-04-1985 )
Très sérieux
Le fou n'est pas celui qui a perdu la raison mais celui qui a tout perdu sauf la raison.
Chesterton
* Valéry est mort d'une leucémie le 13 août 1989 à l'âge de 20 ans après avoir obtenu son DEUG de droit. Nous avons retrouvé des poèmes qu'il avait écrits à l'âge de 15 ans dont " Une vie de fou".